La biodiversité, un sujet pour l’entreprise ?

Décryptage sur le lien entre entreprise et biodiversité.


Saviez-vous que 50 % du PIB mondial dépend directement de la biodiversité ? L’équipe Hodos était ainsi y a quelques semaines au Salon de la Biodiversité et du Génie écologique, qui rassemble les acteurs qui font de la biodiversité une priorité, et placent le vivant au cœur d’un cercle vertueux pour les territoires, les entreprises et les écosystèmes. À cette occasion, on vous propose de creuser le lien entre entreprise et biodiversité.

Mais au fait, c’est quoi la biodiversité ?

La biodiversité, c’est tout simplement tout ce qui sur notre planète est vivant. Les humains font bien sûr partie de ce monde, souvent mal ou méconnu. Étudier la biodiversité consiste en partie à observer nommer, compter, classer les espèces et les individus. Des centaines de nouvelles espèces sont ainsi découvertes et répertoriées chaque année. Zoom sur trois créatures découvertes en 2025 dont vous n’aviez sans doute pas entendu parler :

-       🐝 « Lucifer » l’abeille cornue (Megachile Hackeriapis lucifer) : dénichée en Australie-Occidentale par Kit Prendergast (Université Curtin), cette abeille unique présente des petites « cornes » sur le visage de la femelle. Elle butine des fleurs locales (notamment une plante sauvage menacée), jouant un rôle crucial de pollinisatrice dans un milieu sensible.

-       🐾 Le tatou à long museau guyanais (Dasypus guianensis) : décrit en 2025 par une équipe internationale (Barthe M. et al.), cette espèce appartenant au groupe des tatous à neuf bandes vit dans les forêts du Bouclier de la Guyane. Grâce à l’analyse génétique et l’étude des crânes, on sait désormais que ce groupe d’espèces est plus divers qu’on ne le pensait ; un signal fort que la faune tropicale est encore pleine de surprises.

-       🌊 Le « poisson-limace bosselé » des abysses (Careproctus colliculi) : repéré à environ 3 000 mètres de profondeur dans le canyon de Monterey (Pacifique) par l’équipe du Monterey Bay Aquarium Research Institute (MBARI). Ce joli poisson rose, à la peau gélatineuse et aux grands yeux bleutés, vit dans un univers glacé, sombre et sous très haute pression.

La biodiversité ne se limite pas à la variété des espèces : elle inclut aussi toutes les interactions qui les relient (prédation, pollinisation, symbiose, compétition, décomposition) ainsi que les milieux qui rendent ces relations possibles. Ces échanges forment un tissu écologique où chaque rôle compte : une plante dépend de son pollinisateur, un sol fertile dépend des organismes qui le décomposent, un prédateur régule les populations dont il se nourrit. La biodiversité repose sur cette dynamique d’interdépendance. Cette vision de la biodiversité est notamment soulignée par la Convention sur la diversité biologique (ONU, 1992), qui la définit comme la diversité des organismes vivants, « y compris la diversité au sein des espèces, entre les espèces et celle des écosystèmes ».

Pourquoi en parler dans les entreprises ?

La biodiversité est l’affaire de tous : 50% du PIB mondial [1] et 72% des entreprises européennes [2] dépendent directement de la biodiversité. Au-delà du monde économique, nos besoins primaires (respirer, manger, boire), dépendent aussi du vivant. « L’oxygène que nous respirons est produit par les océans et par la photosynthèse opérée par les organismes végétaux. Notre eau, notre alimentation, nos vêtements, notre santé, nos maisons, tout ce que nous touchons vient de la biodiversité ou en est dépendant » explique l’Office Français de la Biodiversité.

Or ce tissu vivant, qui a mis plus de 4,5 milliards d’années à prendre son visage actuel, se déchire aujourd’hui. L’érosion de la biodiversité s’accélère sous l’effet de multiples pressions humaines : destruction et fragmentation des milieux, pollution, surexploitation des espèces, introduction d’espèces invasives et changement climatique. Une partie du monde scientifique parle désormais d’Anthropocène : un âge où l’action humaine façonne la Terre au point de laisser une empreinte durable dans son histoire. Pour la biodiversité, le taux d’extinction record d’espèces conduit les spécialistes à parler de sixième extinction de masse (pour rappel, la dernière en date remonte au Crétacé, il y a 66 millions d’années 💥🦕).

Comment (bien) agir ?

Les états, le monde économique, les citoyens : tout le monde peut agir, chacun à son échelle. Pour les entreprises, un premier levier d’action consiste à identifier la biodiversité dont dépendent leurs chaînes de valeur (les ressources ou matériaux, les services écosystémiques, les milieux naturels) puis à la protéger pour (entre autres) sécuriser leur activité.

Pour certaines entreprises, la biodiversité forme même le cœur de métier. « Les solutions de génie écologique permettent la transition vers un aménagement durable du territoire, qui intègre les enjeux du vivant et les besoins liés aux activités humaines » déclare l’Union professionnelle du Génie écologique, qui fédère en France 130 entreprises œuvrant à gérer, favoriser ou restaurer la biodiversité et les fonctions écologiques.

Autre exemple, près de Nantes, l’initiative IePAD montre que des entreprises industrielles peuvent aussi agir concrètement pour la nature sur son territoire local. En se fédérant dans un parc d’activités durable (Parc du Bois Fleuri), les entreprises membres, dont ARMOR GROUP, ont mis en place la gestion des déchets mutualisée, la maîtrise de l’énergie, des mobilités plus durables, et surtout l’intégration écologique du site dans son environnement naturel.

Aussi, l’Office Français de la Biodiversité propose des pistes de bonnes pratiques pour (ré)intégrer les activités individuelles et collectives dans le fonctionnement du vivant et les limites planétaires.

Peut-on mesurer notre impact ?

La difficulté pour nos entreprises, c’est que la biodiversité se laisse difficilement enfermer dans les cases, quelque peu stériles, de nos tableaux Excel. Comment mesurer, par exemple, le nombre de pollinisateurs préservés grâce à la plantation de nouveaux végétaux dans les allées d’un site d’entreprise ? Leur impact réel sur la Terre ?

La bonne nouvelle, c’est que le vivant offre une richesse inépuisable : il stimule la curiosité, nous émerveille et constitue un formidable support pour raconter un million d’histoires, à l’échelle d’une fourmi, d’une forêt ou d’une ville.  La communication joue ici son rôle essentiel : raconter avec justesse ces récits, valoriser les initiatives, et embarquer les collaborateurs, qui elles et eux non plus ne rentrent pas très bien dans des cases Excel. Pour nous professionnels de la communication, c’est un défi enthousiasmant, qui demande de traduire des équilibres écologiques complexes, de s’informer auprès des spécialistes pour transmettre des messages précis et inspirants. Un beau challenge à relever !

Nos recommandations pour en savoir plus

-       📧 Une newsletter : retrouvez de la rigueur scientifique, des actualités et une formidable capacité de vulgarisation, dans la newsletter bimensuelle du Muséum d’histoire naturelle

-       🎙️Un podcast : Marc Mortelmans (la voix des regrettées Mécaniques du Vivant sur France Inter) propose le podcast indépendant « Baleine sous gravillon », dans lequel il tend le micro à des naturalistes passionnés et passionnants. Disponible ici et sur toutes les plateformes d’écoute

-       🍿 Un docu : une belle illustration des relations complexes entre l’humain et la biodiversité marine à travers l’amitié entre un plongeur et une pieuvre commune dans My octopus teacher (disponible sur Netflix France)


[1] World Economic Forum, 2022

[2] Institut Montaigne, 2024


Crédit photo : Photo de Juanma Clemente-Alloza sur Unsplash

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